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Frann Bercot - Entretien par Laurent Desvoux D'Yrek

Photo du rédacteur: Laurent Desvoux d'YrekLaurent Desvoux d'Yrek

Frann et Laurent se connaissent bien. Quelle merveilleuse idée alors de donner à Laurent la mission de faire parler Frann au sujet de son dernier ouvrage "3e charme".

Sept questions autour du 3e Charme (Roman, ed Unicité) ENTRETIEN AVEC LAURENT DESVOUX D’YREK(L3D)


L3D : En quoi votre roman creuse-t-il un sillon différent de vos précédents ouvrages, largement autobiographiques comme votre saga aux deux volumes Ainsi volent les libellules ou bien Les Mailles de la Folieou encore Poèmes et récits des 101 nuits ? Quel est le temps déployé dans ce nouvel opus de votre œuvre : est-ce 100 ans ? est-ce 3 ans ?


 FB : PLUSIEURS TEMPS SE SUPERPOSENT DANS CE ROMAN, chacun correspondant à l’histoire des protagonistes, à son vécu, et chacune de ces histoires de vie, ou d’expérience, est marquée par les événements qui ont marqué son époque. Pour monsieur Levieux, c’est la 2e guerre mondiale, pour Suzanne mai 68 … A la campagne, dans le village où se situe l’action, c’est l’arrivée de résidents secondaires qui  vient rompre la monotonie de la vie de la jeune paysanne qui va se retrouver au centre de cette histoire se déroulant  sur trois décennies , que l’on ne peut comprendre que dans le contexte historique que je viens d’évoquer.


L3D : Les personnages sont comparés à des acteurs et actrices la mère à Micheline Presles ou Michèle Morgan ou le frère à Jean-Claude Brialy, la nièce Violette à Sophie Marceau, quelle est la fonction de ces références ? sociétale ? familiale ? artistique ? populaire ? Le visuel présent déjà dans Frann en lettres vives, convoqué ici dans l’image de couverture et dans la préface, veut-il saisir plus vite ou autrement que les mots alignés ? Le rôle sonore de la musique est vif aussi par les chansons citées et le récit du piano restitué. Pour vous la Littérature ne sera jamais quatre murs de phrases et de livres ? les arts, la vie, vous sont-elles aussi de nécessaires respirations et la condition d’avoir quelque chose à conter ?


FB : La littérature est un art auquel j’ai plaisir à associer d’autres expressions artistiques. Les références auxquelles vous faites allusion sont une façon d’aider le lecteur à mieux saisir mes personnages, leur donner chair. Ils correspondent aussi à une époque ou un goût donnés, de la même façon que, dans mon roman précédent, AINSI VOLENT LES LIBELLULES(ed Unicité) chaque personnage est lié à une chanson, un air, ou un chanteur ou groupe de son époque. Ces références ont fonction de symboles.


L3D : Une grande variété de textes parsèment les 14 chapitres de ce livre : les extraits en italique d’un livre de mémoires de la protagoniste, les slogans sur les murs de mai 68, des poèmes, souvent des portraits ou autoportraits, des extraits de journaux, qu’attendez-vous de cette mobilité, de cette souplesse du texte pour votre récit et vos lecteurs ?


F.B : Mon écriture n’est pas seulement descriptive, elle se veut ( je la souhaite ) vivante, incarnée dans le plus grand nombre de formes possible, c’est pourquoi dans chacun de mes livres j’insère des poèmes et des calligrammes, j’alterne prose et poésie, description et dialogue ou monologues .Je ne cantonne pas mon écriture à un seul genre : roman, nouvelle, récit, biographie.C’est aussi une façon de surprendre le lecteur, le distraire, lui offrir une respiration à travers la diversité de mon style et de mes histoires.


L3D : Le 3e charme, le titre est beau et intriguant. Parmi ses multiples sens et sans tout nous révéler, que pouvez-vous nous en dire, entre Nature et Culture, qui nous mette sur quelques pistes ?


 FB: Il faut se référer à l’étymologie d’un mot pour en saisir l’origine et le ou les sens dérivés.


CHARME : Du lat. class. carmen, -inis, au sens de « formule magique, incantation ».


« formule magique » dire un charme  d'où début XVIIIes. jeter un charme  et lever le charme (SAINT-SIMON,


« objet auquel on attribue une puissance magique 


plur. « moyen de séduire (d'une femme) »


 « attrait » charmes de l'espoir  Du lat. class. carmen, -inis, au sens de « formule magique, incantation ».


Charme, l’arbre, provient du latin carpinus. Il a donné carpino


C’est aussi le titre d’un recueil de poésie de Paul Valéry.


Dans mon roman, les différentes acceptions du mot se révèlent au fur et à mesure de la lecture.


L3D : Un portrait social d’une époque et d’un temps long, d’un lieu de paysages déjà ausculté par un Maupassant à l’avant-dernier siècle : on est ici en Normandie et aux portes de la Normandie, qu’est-ce qui a changé et qu’est-ce qui perdure de la province française côté ouest ?


FB : La nature humaine n’a pas changé !


L3D : Le texte fourmille du plaisir des mots, sans verser dans l’exercice de style, qu’on peut tour à tour trouver gratuit, oiseux, à côté du réel ou un bel hommage au génie de la langue, un hommage à l’Oulipo qui nous a donné aussi de grandes œuvres de Queneau et Pérec à Roubaud et Le Tellier : dans votre choix des noms et des diminutifs des personnages et des noms des lieux, le jeu aussi des expressions pittoresques ou à portée psychologique, les listes de mots ou de personnages décrits, la présence de plusieurs langues, tout cela qui donne un évident plaisir verbal, en quoi cela sert-il aussi le propos de l’ouvrage, s’il y en a un, à moins qu’il y en ait plusieurs… ou que vous ne teniez pas à un propos, une leçon hors d’un témoignage.


FB : Un mot  peut en masquer  un autre.

Par exemple, Dam et Dom sont nées à une époque où leurs mères regardaient «  Dim Dam Dom » à la télévision, mais il y a d’autres allusions : Dom fait référence à domination, domicile…et est proche de Tom ; en anglais, a Tomboy est un « garçon manqué »


Germaine est à rapprocher de Germinal.


Delphine se fait appeler Régina pour avoir la première place…


Cédrick est une référence au cèdre, les racines bretonnes de sa mère, tout en  se rapprochant du prénom du père, Elrick…


Quant à Suzanne, ce prénom renvoie à une légende familiale au sujet de Verlaine.


Izy et Crézy sont des adaptations de l’anglais « easy »(facile) et « crazy »(cinglé);


Et Bouzenville va de soi.


Le patronyme LEVIEUX , contient à lui seul l’histoire d’une tragédie secrète.


L3D : A l’issue de l’écriture de votre livre, FrannBercot, avez-vous avancé dans la connaissance du mystère de qui vous êtes et de qui sont vos êtres chers ? Un roman a-t-il à décoder le monde ou l’époque comme une manière d’énigme ou en rajoute-t-il encore dans l’épaisseur mystérieuse de cette époque et de ce monde ? Votre point de vue sur les protagonistes, sur la famille, l’Histoire, la justice, les revendications, les luttes, l’identité, l’altérité, la reconnaissance de la différence, la transmission, la parole qui blesse ou libère, le mensonge et la vérité, la vengeance et le pardon a-t-il évolué de la nécessité initiale de ce livre à son point final ? Cette place, la vôtre, qui vous a si souvent été convoitée, la redéfinissez-vous aujourd’hui ?


FB : La tentation de la vengeance était forte au départ, mais au fil de l’écriture, elle s’est amenuisée. J’ai essayé de prendre de la hauteur en me mettant à la place de chacun de mes personnages. J’ai surtout essayé de comprendre la personnalité de Dom et ce qui faisait écho à celle de monsieur Levieux. Car enfin, c’est un drame familial qui se joue et se noue à partir de leur relation.


 J’écris et compose des poèmes depuis l’âge de 7 ANS.


Mon amour des  Lettres vient non seulement de mes lectures ( très jeune j’ai pioché dans la bibliothèque familiale) mais aussi de l’étude des langues . ECRIRE EST Aussi ET AVANT TOUT UN MODE D'EXPRESSION  ARTISTIQUE, une façon de transformer le réel en le sublimant et en donnant au vécu une dimension spirituelle ; c’est une manière de transcender le passé et le présent, car les écrits restent et nous rendent immortels tout comme les personnages qui les animent. Mes autre livres, des romans majoritairement, , parlent beaucoup des relations hommes / femmes, de l’évolution des mœurs dans la société française au cours des 100 dernières années ( AINSI VOLENT LES LIBELLULES, ed.Unicité) , des changements de mentalité, en ce qui concerne par ex les notions de sexe et de genre. Ce que j’aime traiter par-dessus tout, c’est des liens qui unissent entre eux tous les protagonistes. Je suis constamment à la recherche de points communs même au sein des conflits qui nous secouent, je me mets dans la peau des personnages, ou plutôt, ce sont eux qui prennent possession de moi, j’écris souvent sous leur dictée, tout en accordant une place prépondérante au stylé, car : « Ce qui se conçoit bien  …. »  J’AI LE SOUCI CONSTANT DE PORTER LE LECTEUR, de le tenir par les mots, leur sonorité et leur rythme et de l’entraîner dans mes histoires de façon à ce qu’il s’identifie à au moins un de mes personnages. La plupart de mes lecteurs disent m’avoir lue d’une seule traite et ensuite avoir relu le livre, car il recèle des clés, des indices auxquels ils n’avaient  pas prêté attention, des images subliminales qui se cachent derrière les mots. J’ADORE JOUER AVEC LES MOTS  LEUR DONNER PLUSIEURS ACCEPTIONS, de façon à faire émerger un sens nouveau à chaque lecture, une interprétation nouvelle, une mise en abyme…le choix du vocabulaire et le rythme est pour moi essentiel.


C’est pourquoi j’aime inclure dans chacun de mes livres des poésies et des calligrammes : c’est une respiration pour le lecteur, une autre façon de penser l’écriture, qui peut aller jusqu’à l’illustration photographique des lettres de l’alphabet (FRANN EN LETTRES VIVES , ed.Unicité, photos de L3D) ou l’emploi de lettres hébraïques ou arabes  ( ex de calligrammes en persan dans POEMES ET RECITS DES 101 NUITS et ROMANCE INFINIE , ed.Unicité). L’écriture est un art à la fois intellectuel et graphique, tout comme l’art martial chinois que je pratique, dont le processus le plus achevé est la calligraphie, jet d’encre unique après longue méditation et des années d’apprentissage de la patience , recherche de la perfection qu’on ne peut atteindre mais dont on cherche à se rapprocher le plus possible. ECRIRE EST A LA FOIS UN TRAVAIL DE LONGUE HALEINE et un plaisir ; c’est un moyen de communiquer avec un lecteur que l’on ne connaît pas en lui offrant nos mots, nos signes et nos passions. ECRIRE EST UN PROCESSUS INTIME qui vise à l’universalité, c’est un défi contre le temps qui passe, une façon de se dépasser soi-même en allant à la rencontre des autres. La rencontre avec des peintres et des photographes pour illustrer mes couvertures fait partie de cette volonté de partage et exigence de beauté, car la première vision qu’on a d’un livre est celle de la couverture…


 ECRIRE EST à la fois une façon d’arrêter le temps et de l’évoque, le faire revivre  tout en se propulsant vers le futur puisqu’on écrit pour le lecteur à venir. Dans le processus d’écriture on se projette vers un ailleurs ou un autrui que l’on ne connaît pas, et en même temps, on fait revivre des êtres et des événements qui ont disparus et dont on retrouve la trace, thème cher à MARCEL PROUST. Pour moi il n’existe pas de temps spécial dédié à l’écriture, j’écris quand j’en ai envie, quand cela devient une nécessité, et quand je n’écris pas manuellement, j’écris dans ma tête, les idées qui s’enchaînent et s’associent comme dans un film. LE TEMPS DE L  ECRITURE POUR MOI EST UN TEMPS intime, solitaire (en cela je n’ai pas souffert du confinement, au contraire) MAIS QUI,  ET C’EST LA TOUT LE PARADOXE DE L ECRIVAIN, est destiné au partage ; c’est une tentative à travers l’expérience personnelle, ou l’imagination, d’aller vers l’universel.


Ce peut être aussi un temps improvisé, comme ces petits poèmes appelés haïkus dont les Japonais ont le secret, que j’ai composés en pratiquant le TAÏCHI en pleine nature et par tous les temps, inspirés par mon environnement et le moment présent, et mis ensuite par écrit pour, précisément, leur donner une dimension de communication avec autrui et par là même, une dimension spirituelle ; je dirais pour conclure que le temps d’écrire est un moyen d’immortaliser le présent.


 APRES LE TEMPS DE L ECRITURE VIENT LE TEMPS DE la publication, la distribution, la diffusion, et la communication pour rencontrer ses lecteurs. Il ne suffit pas pour cela d’un « like » sur les réseaux sociaux de la part d’ « amis » qui ne voient de vos livres que la couverture, mais de la rencontre avec de véritables lecteurs dans les salons du livre ou toute autre forme de manifestation littéraire destinée à nous faire mieux connaître.


Pour répondre à votre dernière question, celle de ma place…ce serait d’en avoir une dans la Littérature.

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