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Photo du rédacteurALEXIS BUISSON

Kamala Harris, l'héritière par Alexis Buisson

Je ne sais pas pour vous, mais pour ma part, je me souviens très bien du jour où j'ai eu l'idée d'écrire mon livre. C'était le 12 décembre 2020. Joe Biden avait été élu deux mois plus tôt président des États-Unis. J'étais en Géorgie pour couvrir le second tour de l'élection sénatoriale qui allait déterminer quel parti contrôlerait la chambre haute et, par là même, la marge de manœuvre du nouveau locataire de la Maison-Blanche pour mettre en œuvre ses réformes.


À l'extérieur d'Atlanta, sur la place d'un centre commercial sans charme, comme les États-Unis savent les faire, j'ai fait la connaissance de Ranjit, un père de famille indien qui m'a raconté avec émotion la joie de sa fille en voyant le visage de la nouvelle vice-présidente, Kamala Harris, à la télévision. Une femme qui lui ressemblait était parvenue à se hisser aux portes de la fonction suprême.


Cela faisait déjà quelque temps que je m'intéressais à elle. Ranjit m'avait donné le coup de pouce qu'il me fallait pour sauter le pas. Je lui en serai à jamais reconnaissant. Début janvier 2021, je proposais l'idée à l'Archipel, qui me répondait favorablement. Enthousiasmant et terrifiant à la foi de partir à la découverte d'un personnage aussi complexe et méconnu.


Aujourd'hui, je suis très heureux de rejoindre la grande famille de Rencontre des Auteurs Francophones et fier de vous présenter "Kamala Harris, l'héritière". C'est le fruit de plusieurs mois de travail, de rencontres entre Washington, la Californie et New York et d'interviews - une soixantaine au total, des membres de la famille Harris jusqu'à ses rivaux, en passant par des amis, des anciens collègues, des experts, des donateurs... Mon objectif: proposer une biographie de référence sur celle que l'on a surnommé "l'Obama de Californie".


Au cours de ce travail, j'ai découvert une candidate politique souvent sous-estimée, qui aurait pu devenir la Première Dame de San Francisco et Procureure générale des États-Unis dans d'autres vies. Une vice-présidente qui a commencé sa carrière professionnelle en visitant, comme jeune juriste, des scènes de crimes au milieu de la nuit. Une élue accusée tout au long de son ascension d'être trop "prudente" alors qu'elle a été l'auteure de nombreux coups d'éclats courageux au fil des postes qu'elle a occupés.


Qu'on l'aime ou non, la première femme et première personnalité noire et d'origine indienne à exercer la vice-présidence est un personnage historique. Rappelons au passage qu'elle peut, en vertu de la Constitution, devenir du jour au lendemain le personnage politique le plus puissant de la planète. Cela vaut bien la peine de s'intéresser à son bilan à mi-mandat et son expérience de vie. Dans ce qu'elle a été, on trouvera peut-être de quoi comprendre la présidente qu'elle pourrait devenir demain.


En guise d'extrait,

j'ai choisi un passage du sous-chapitre consacré à sa vie à Montréal lors de son adolescence, une période qu'elle aborde peu dans ses écrits ou ses interviews, sans doute par peur d'être accusée de manque de patriotisme.


Kamala Harris évoque peu sa vie à Montréal, sans doute pour éviter d’être perçue comme insuffisamment américaine . Et quand elle aborde le sujet, c’est en des termes peu reluisants : « Ma mère a tenté de nous faire croire que c’était une aventure, avance‐t‐elle. Elle nous accompagnait pour acheter nos manteaux et nos gants comme si nous étions des explorateurs du Grand Nord.Mais je ne le voyais pas de cette façon », a-t-elle écrit dans ses mémoires. Il faisait si froid qu’elle et sa sœur se cachaient dans le placard dès qu’elles rentraient à leur appartement !

Pour ne rien arranger, à leur arrivée au Québec, elles découvrent une société en pleine convulsion. Plus d’une décennie après la « Révolution tranquille » de la Belle Province, les souverainistes du Parti québécois (PQ), dirigé par René Lévesque, accèdent au pouvoir à l’issue des élections générales de 1976. Une première dans l’histoire de la province. Le nouveau gouvernement ne perd pas de temps pour mettre en œuvre son programme. L’installation à Montréal de la famille Gopalan‐Harris coïncide avec la présentation de la « Loi 101 », ou « Charte de la langue française », un texte controversé visant à restaurer la primauté du français dans la sphère publique (...) Face à l'instauration de règles draconiennes, une partie de la population anglophone se sent exclue, au point de partir s’installer à Toronto. Les tensions ne s’arrêtent pas avec l’adoption de la Charte. Trois ans plus tard, le Québec est de nouveau déchiré lors du référendum sur l’indépendance de la province, une autre promesse de campagne du Parti québécois.

À son arrivée à Montréal à l’âge de douze ans, Kamala Harris est inscrite à Notre‐Dame‐des‐Neiges. Située dans le quartier Côte‐des‐Neiges, où vivent de nombreux immigrés, cette école francophone est connue pour sa collaboration avec les Petits Chanteurs du Mont‐Royal, l’une des chorales d’enfants les plus renommées au monde. Sans doute déboussolée par la langue, la fillette aux cheveux longs et bouclés ne reste que quelques mois dans cet établissement. « Je disais souvent en riant que j’avais l’impression d’être un canard : toute la journée, je répétais “quoi, quoi,quoi” ! », relate Kamala Harris.

Après Notre‐Dame‐des‐Neiges, elle rejoint une école publique bilingue : FACES (Fine Arts Core Elementary School). Cet établissement est fréquenté à la fois par des enfants anglophones et francophones, scolarisés dans leur langue maternelle. L’accent étant mis sur les arts (dessin,théâtre, chant, musique...), ce n’est pas un hasard si de nombreux élèves de cette école progressiste sont devenus des personnalités influentes du monde culturel.

Progressivement, Kamala Harris prend ses marques. Comme dans son église californienne, elle rejoint la chorale de FACES. Des camarades et des enseignants de l’époque se souviennent d’une élève souriante, polie et studieuse. En dehors de l’école, elle mobilise même plusieurs enfants de son immeuble pour protester contre l’interdiction de jouer au football sur la pelouse. Elle obtient gain de cause. Seul problème :FACES s’arrête à la fin du collège. En 1978, comme d’autres de ses camarades, Kamala doit donc poursuivre sa scolarité ailleurs. À Westmount High School, une école publique du quartier de Westmount, « l’un des plus riches du Canada », selon le New York Times.

Fondé à la fin du XIXe siècle, le lycée compte parmi ses anciens élèves le chanteur Leonard Cohen, l’ancienne Première Dame du Canada Mila Mulroney ou encore un astronome amateur qui découvrit vingt‐deux comètes. Kamala Harris n’y passe pas inaperçue. Belle, souriante, pas timide pour un sou, elle devient l’une des stars de la cour de récréation ! « Tout le monde savait qu’elle venait des États‐Unis, se rappelle Dean Smith, l’un de ses anciens camarades. Les Canadiens étaient intrigués par son accent. Elle s’est facilement adaptée. Le fait qu’elle soit mignonne l’a aidée auprès des garçons ! » « Maya (sa sœur) et elle avaient les cheveux frisés, se souvient pour sa part Debby DuBose, qui travaille aujourd’hui dans l’événementiel aux États‐Unis. Elles étaient minces et avaient beaucoup de style. Elles portaient des jeans Sergio Valente ! » Fille d’un père afro‐américain et d’une mère blanche juive, elle fait partie des nombreuses métisses que les sœurs Harris ont côtoyées à Montréal. « Il n’y avait pas de racisme à l’époque, explique‐t‐elle. Au contraire : être noir rendait populaire car nous amenions quelque chose de nouveau, au niveau de la musique ou du style. »

Kamala Harris s’immerge ainsi dans le multiculturalisme canadien. Bien que situé dans un quartier fortuné, Westmount High se caractérise par la grande diversité raciale et sociale de ses élèves (environ 60 %de Blancs et 40 % d’autres ethnies). « Des enfants de médecins, d’avocats ou de capitaines d’industrie étaient inscrits dans cette école publique. Dans n’importe quel autre pays, ils auraient tous été dans le privé », avance Rickey Daley, un autre ami des Harris. « Avec ses racines jamaïcaines, Kamala s’est facilement rapprochée des élèves caribéens qui venaient de Saint‐Vincent,de Trinidad ou d’autres îles, ajoute Dean Smith, un Canadien noir de père américain. Il y avait aussi des Indiens, des Pakistanais, des Asiatiques, des Blancs, des Juifs... Tout le monde se mélangeait ! Au Canada, les relations entre communautés sont plus apaisées qu’aux États‐Unis. Kamala ne connaissait pas cela avant de venir au Québec. Je suis convaincu que ce mélange des cultures propre à Montréal l’a préparé aux fonctions qu’elle occupe aujourd’hui ».


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