De loin, une couverture de livre vous a interpellée : vous l'avez reconnue parce que vous la cherchiez. Ou, simplement, parce qu'elle vous faisait de l'œil.
Alors vous vous êtes approché et vous avez saisi le livre. Et très vite, instinctivement, vous l'avez retourné. Comme quand, bambin confronté pour la première fois au grand miroir sur pied de votre grand-mère, vous alliez voir derrière s'il y avait quelqu'un. Cette quatrième de couverture va, très souvent, emporter votre décision.
La quatrième de couverture, qu'on appelle lodiciquarte - ou "plat verso" pour les livres cartonnés, vous pensez peut-être que c'est l'affaire de l'éditeur et pas la vôtre. Que c'est celui qui imprime le livre qui décide ce qu'il y met ou pas. Et qu'en conséquence, vous auteur, vous pouvez vous en laver les mains.
Vous pourriez avoir raison - mais très partiellement, comme nous le verrons - puisque son objectif commercial est de faire la promotion de l'ouvrage. Il faut accrocher le lecteur potentiel et lui donner l'envie d'emporter le livre jusqu'à la caisse, non seulement pour que l'éditeur fasse des bénéfices et ne vous lâche pas, mais parce que, sans ventes, vous ne serez pas lu. Et que le but d'un auteur, quoiqu'on dise, est d'être lu.
Pour emporter la décision du potentiel lecteur, la quatrième de couverture contiendra deux types de données :
- des données techniques : une courte biographie de l'auteur, avec parfois sa tronche, façon studio Harcourt, des données relatives à l'éditeur, un code ISBN permettant la commercialisation et le classement de l'ouvrage ;
- une partie hameçon : soit un extrait choisi, comme ceux qu'on lit dans les librairies ou qu'on passe dans les émissions ; soit une présentation courte de l'ouvrage fort semblable à la bonimenterie d'un camelot lorsqu'il met le pied dans la porte et qu'il se fait fort de vous persuader de l'ouvrir (ou pitch).
En réalité, lorsque vous approcherez l'éditeur, vous devrez avoir peaufiné votre biographie, avoir préparé le "pitch" de l'histoire et choisi quelques extraits représentatifs. Aucun éditeur ne viendra vous chercher, à moins que vous ne soyez déjà connu - toujours cette règle un peu ubuesque, que viennent contrarier quelques exceptions remarquables, que seuls ceux qui sont édités se font éditer. Il faudra donc que vous pensiez ces questions avant même de soumettre votre manuscrit à un éditeur. A fortiori, si l'éditeur, c'est vous.
Alors revenons-y pour pointer la responsabilité de l'auteur dans cette quatrième de couverture.
La biographie. D'abord, il vous incombe de rendre votre bio la plus attractive possible. Qu'est-ce qui fait de vous un auteur spécial, à part ? Qui vaut la peine d'être lu. Je ne parle pas de vos diplômes mirobolants, mais de ce qui fait votre chemin de vie. Quelle est votre proposition unique ? C'est votre responsabilité de construire cette biographie, même si un éditeur est appelé à lui donner sa forme finale.
L'extrait choisi. Évidemment, il faudra que l'écriture soit excellente. Mais, au surplus, que le passage choisi parle du protagoniste, et laisse entrevoir qui il est, mais sans trop révéler. Un peu comme une petite mignardise servie sur un plateau d'argent dans un cocktail mondain, douce au palais, mais qui donne un arrière-goût entêtant d'y revenez-y ; pas une tranche de pâté servie sans chichi à un buffet campagnard...
La présentation courte, dite "pitch". J'utilise sans vergogne cet anglicisme pour vous forcer à penser à la manière d'un auteur cherchant à vendre son histoire. Pensez-le comme une présentation orale du sujet de votre livre en cinq minutes. Une présentation que vous devriez faire à quelqu'un qui aurait mieux à faire, mais dont vous voulez qu'il s'arrête, chamboule son emploi du temps et réalise que votre texte est génial. Allez à l'essentiel : concentrez-vous sur l'intrigue, brossez les personnages principaux en quelques traits, déterminez l'enjeu. Répondez à la question : de quoi parle ce livre ?
Les éditeurs, se serviront-ils de votre "pitch" pour la quatrième de couverture ? Oui et non.
· Non, pour certains qui estiment que ce texte ne fait pas partie du livre et qu'il est une prérogative exclusive de l'éditeur : ils confiront donc logiquement sa rédaction au service commercial formé à la théorie lacanienne du désir.
· Peut-être, pour d'autres qui examineront votre proposition de présentation avec intérêt. Si elle les a convaincus de vous publier, elle peut sûrement emporter la décision du lecteur. Mais ils l'amélioreront sans doute, cette amélioration étant à comprendre non dans une acception littéraire, mais au sens commercial du terme : un incipit racoleur, l'ajout d'adjectifs dithyrambiques...
· Absolument, pour certaines maisons d'édition, qui estiment que ce paratexte est du texte tout de même, et que l'auteur est quand même la personne la mieux informée sur ce que contient le bouquin.
C'est pourquoi, je vous invite à toujours rédiger une courte présentation de votre ouvrage. Cette présentation a un double objectif : externe, comme je l'ai démontré plus haut, et interne, puisqu'elle va vous permettre de calibrer votre travail comme je vais l'exposer ci-après.
Et c'est, pour moi, l'occasion de vous donner quelques tuyaux. Pensez votre présentation, n'oubliez pas : le verbe existait avant l'écriture. Dites-la à voix haute. Puis, écrivez-la. Alors, testez-la auprès de vos proches lorsqu'ils vous interrogent sur le sujet de votre livre.
Enfin, rédigez sa version définitive après votre premier jet - quand le corps de votre ouvrage existe - mais avant votre version finale pour que le "pitch" vous serve d'outil de contrôle pendant la relecture ; à partir de ce moment, considérez votre présentation comme l'énoncé d'un sujet imposé dont les critères doivent être remplis. Ce sera votre guide pendant le processus final.
Comme quand en classe, on vous disait, en vous donnant l'énoncé : vous avez deux heures. Écrivez !
Écrivez. Vous êtes un écrivain...
Les romans d'Anna Alexis Michel sont disponibles sur Rencontre des Auteurs Francophones
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