Patrice Lefrançois nous offre un extrait de son très joli recueil de nouvelles animalières pour enfants.
Topie, une jeune coccinelle, voletait d’une fleur à l’autre, cherchant son chemin dans la forêt. Elle aimait beaucoup découvrir le monde, et s’émerveillait en regardant autour d’elle. La contrée qui regorgeait d’animaux surprenants, de plantes fabuleuses et de fleurs aux couleurs extraordinaires. Elle se demandait pourquoi elle avait eu la chance de naître au milieu de tant de luxuriance, de beauté, de formes exubérantes et de créatures étonnantes, elle si petite, si fragile, si insignifiante. Elle était jeune et insouciante et n’imaginait pas que cette nature qui l’enchantait était aussi terriblement dangereuse.
Alors qu’elle se dirigeait vers un massif de roses sauvages à la limite d’une clairière, son attention fut attirée par une fleur très remarquable. Des signaux de couleur sur ses pétales et une odeur délicieuse signalaient qu’en son cœur un nectar abondant était disponible. Elle se posa sur le bord de cette fleur et attirée par l’odeur de miel, elle s’apprêtait à pénétrer en son calice en forme d’outre contenant un liquide incolore. Elle allait s’élancer quand soudain une bête énorme s’approcha en agitant un long nez, le balançant de droite à gauche comme si elle voulait dégager l’espace devant elle ou si elle précédait un imposant défilé de majorettes.
Cet animal, un éléphant appelé Barou, s ’arrêta devant la fleur sur laquelle était posée Topie et comme il avait la vue très perçante il vit la coccinelle. Celle-ci le regardait avec étonnement, car elle n’avait jamais vu un animal d’une taille aussi impressionnante, avec des oreilles aussi larges que des voiles de bateau, tandis que Barou n’avait jamais vu un insecte aussi minuscule ni aussi joli, avec des points noirs sur des ailes d’un rouge éclatant et six pattes plus fines qu’un fil de toile d’araignée. Ils étaient fascinés l’un par l’autre, aussi se saluèrent-ils avec étonnement et curiosité.
Barou n’osa pas avancer sa trompe, car il avait peur de mal mesurer sa force et de blesser Topie, mais il remarqua que la fleur sur laquelle elle s’était posée était une plante carnivore très dangereuse, aussi tenta-t-il de la prévenir.
— Ma petite amie, c’est un grand plaisir de vous rencontrer et de faire votre connaissance. Je n’ai jamais vu un insecte aussi petit ni aussi charmant. Toutefois, je tenais à vous prévenir que vous êtes posée sur une fleur extrêmement dangereuse et qu’il vaudrait mieux vous poser sur ma trompe, ainsi je pourrais vous déposer dans un endroit beaucoup plus sûr.
Topie entendit les barrissements effrayants de l’éléphant et elle dut se boucher les oreilles, car le bruit que le pachyderme faisait avec sa bouche était insupportable. Toutefois, elle comprit le message, s’envola, puis se posa sur la trompe de l’éléphant.
— Je vous remercie monsieur au long nez, je n’avais pas réalisé que cette fleur si jolie était un piège redoutable et mortel. Voyez-vous, je suis si jeune, j’ai encore beaucoup de choses à apprendre…
Topie et Barou avaient beaucoup de choses à se raconter et d’expériences à partager. Ils cheminèrent un moment ensemble en discutant puis se séparèrent bons camarades, promettant de se rencontrer un jour ou l’autre non loin de l’étang où l’éléphant venait souvent boire.
Quelques jours plus tard, Topie se promenait à la recherche de quelques pucerons afin de se nourrir quand elle entendit au loin des barrissements désespérés. Attirée par ce bruit qui faisait s’envoler tous les oiseaux alentour, elle se dirigea vers l’endroit d’où provenaient les cris. Elle avait bonne mémoire et reconnaissait le barrissement d’un éléphant. Elle fut cependant très surprise de voir Barou, ce Barou si fort et si intelligent, coincé dans un trou d’eau, tentant désespérément de sortir de l’étang. Il pataugeait, grimpait, glissait et retombait dans l’eau et semblait ne pas trouver de solution pour en sortir. L’étang, vaste et boueux, avait des bords escarpés qui s’effritaient facilement si bien qu’il était difficile pour un animal aussi lourd qu’un éléphant de grimper sur les bords pour s’en extraire et regagner le sol ferme de la berge.
Topie s’approcha et se posa près de l’oreille droite de l’éléphant pour être mieux entendue.
— Bonjour, Barou, vous me reconnaissez ?
— Ah, oui, c’est toi Topie, la coccinelle ?
— Oui, vous me semblez en bien mauvaise posture, comment puis-je vous aider ?
— Hélas, je suis prisonnier de ce trou d’eau, quelle mauvaise idée de m’en être approché ! Les bords sont très glissants et je n’arrive pas à m’en dégager. Malheureusement, tu es trop petite et tu ne pourras ni me pousser ni me tirer pour m’extraire de ce mauvais pas…
— Effectivement, mon ami, je n’ai pas assez de force pour te pousser hors de ce piège. Réfléchissons…
Le cerveau de Topie était tout petit mais elle savait s’en servir à merveille et elle ne manquait ni de répartie ni d’idées.
L’idéal, dit-elle, serait de trouver un endroit où l’étang a une berge moins raide, plus accessible. La nature m’ayant donné des ailes, je peux prendre de l’altitude et avoir une vision panoramique de ce coin marécageux afin de trouver une porte de sortie plus facilement.
À peine Topie eut-elle prononcé ces mots qu’elle agita vivement ses ailes et prit de l’altitude. Plus elle montait et plus l’étang semblait rétrécir, elle en voyait de mieux en mieux les contours. Elle remarqua alors qu’à un endroit la berge semblait un peu plus affaissée aussi se déplaça-t-elle pour en avoir une vision plus précise. Effectivement, la berge s’était écroulée et l’éboulis créait une pente douce. Alors elle revint toute joyeuse vers Barou et lui signala l’emplacement où la berge était moins pentue. Barou, épuisé, qui ne voyait pas d’autre solution, prit la direction indiquée par Topie et réussit à se sortir de l’étang. Une fois sur la berge, Barou poussa un grand barrissement de joie et de reconnaissance.
Il s’étonna d’avoir été sauvé par un animal aussi petit que Topie et il pensa en lui-même «que l’intelligence somme toute ne se mesurait pas à la taille d’un cerveau ». Il remercia la coccinelle chaleureusement et ils se jurèrent amitié pour toujours.
Bình luận