Il est temps que je l’avoue. L’écriture fut pour moi une quasi quotidienne et incomparable joie à laquelle la vie matérielle tenta par tous les moyens, vieille aigrie usurière, tyrannique bigleuse comptable, de me soustraire.
Cette sorcière m’a poursuivi comme mon ombre avec ses sortilèges, ses potions, ses breuvages acides, le fiel amer de ses ricanements. « Je briserai tous tes élans, je te ferai baisser les bras, tu seras un jour ou l'autre rattrapé par ce que tu me dois… » Et je la vois se rapprocher avec son aumônière, son odeur de vieux sous usagés, ses formulaires, ses papiers, factures impayées. J’aurais voulu une bonne fois pour toutes la tuer, qu’elle me laisse en paix. Mais cette espèce a la vie dure et prend plaisir à torturer ceux qui n’ont pas su mettre de côté. Mettre de côté? Pour quoi faire, lorsqu’on a en écho la grâce et ses mystères agitant notre esprit et nos doigts? La Providence fut la marraine, la bonne fée m’épargnant chaque fois et au dernier instant les soubresauts de la misère.
Un soir ou à midi viendra la fin solaire, notre très vieille amie la Mort qui viendra nous chercher et volera à l’usurière jusqu’au plaisir de nous hanter. En attendant, cette dernière, aura tout fait pour nous priver de liberté, aura tout fait pour nous gâcher tout le plein Ciel de la pensée.
Les livres d'Alain Cadéo sur Rencontre des Auteurs Francophones
Des mots subtils parfaitement rédigés. Très beau texte.