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Photo du rédacteurKoza Belleli

Le feuilleton jeunesse du moment : Tali Nohkati, la grande traversée par Koza Belleli (6)

Retrouvez les aventures de Tali Nohkati. Un joli rendez-vous de lecture avec les enfants, parce que la lecture est essentielle dès le plus jeune âge.

Une aventure littéraire signée Koza Belleli. Bonne lecture et rendez-vous samedi prochain pour la suite de votre lecture en famille.


Résumé des épisodes précédents : seul survivant d’une bourrasque de feu, TALI NOHKATI est parti à la recherche de ses semblables. En chemin, il a croisé l’ourse Yupik et son petit Qanuk. Il a vogué dans le ventre d’Atii la baleine. Il s’est lié d’amitié avec des loups dans une forêt et il a retrouvé Coyote. Mais son chemin est long et d’autres rencontres vont le surprendre.

6 - Atsina

Non loin d’une rivière, il trouva l’endroit propice qui lui servirait à la fois de refuge et de point de départ pour explorer ce territoire.

Coyote et la Lune n’avaient pas menti. Cette contrée était belle et généreuse, ses paysages grandioses. L’été, resplendissant, semblait ne jamais vouloir prendre fin.

 

Un matin, alors qu’il somnolait encore, Tali Nohkati sentit une vague de chaleur dans son dos. Pensant que Coyote était revenu, il se leva d’un bond. Mais ce qu’il vit à ses côtés le laissa sans voix.

Un bison dormait tout son soûl, ronflait à qui mieux mieux. Tali Nohkati n’en revenait pas. Il scruta l’horizon. Mais aucun troupeau n’était en vue, ce qui le laissa perplexe. Quand le bison se réveilla, son corps énorme l’impressionna et il recula de quelques pas.

 

- Ne crains rien, lui dit aussitôt l’animal. Je ne mange que de l’herbe.

 

- Tu t’es perdu ? Ceux du troupeau t’ont oublié ? Demanda Tali Nohkati.

 

- Tu n’es pas avec eux ? Demanda à son tour le bison avec inquiétude.

 

Face à face, ils se jaugèrent un moment ; le frêle Tali Nohkati, pas plus haut qu’un arbuste et le puissant bison, plus grand qu’un bloc de pierre. Enfin l’animal rompit le silence :

 

- Je m’appelle Atsina. Je vis seul. La faute en est à cette marque blanche entre mes cornes. A cause d’elle, les miens m’ont rejeté, banni à tout jamais. Alors je me débrouille. Je broute ici et là. Heureusement, les trèfles sont abondants, l’eau des sources rafraîchissante, ma laine bien chaude pour l’hiver. Et toi, que fais-tu, loin de ta famille ?

 

A son tour Tali Nohkati raconta ses aventures. Le bison, impressionné, l’écouta et à la fin de la nuit ils devinrent les meilleurs amis du monde.

 

Atsina savait tout : où poussait l’herbe tendre, d’où venait la pluie, quand viendrait la nuit la plus chaude, quand viendrait la nuit la plus froide. Et les hommes ? Les connaissait-il ?

 

- Bien sûr que je les connais, lança-t-il fièrement. Je les ai souvent vus chasser ensemble.

- Et que chassent-ils ? Demanda Tali Nohkati.

 

- Le bison pardi ! Notre viande, notre peau, notre graisse, tout est bon ! Tout les intéresse.

 

Comment Tali Nohkati n’y avait-il pas pensé plus tôt ! Devant son regard étonné, Atsina s’empressa d’ajouter :

 

-  Avec toi, je suis tranquille. Je sais que tu ne me mangeras que des yeux.

 

- Je n’ai jamais mangé un ami, avoua Tali Nohkati. Et puis, tu es beaucoup trop fort et trop gros pour moi ! Mon ventre ne pourrait pas te contenir.

 

- Ton ventre seul, non. Mais imagine plusieurs ventres comme le tien. Ma viande, découpée en tranches fines, cuite sur la braise, les comblerait tu peux me croire.

 

Tali Nohkati le crut volontiers d’autant que depuis plusieurs jours ses prises étaient bien maigres. Curieux, il demanda :

 

- Mais comment font-ils pour chasser un troupeau ?

 

Atsina lui décrivit le terrible affrontement des animaux et des hommes. Les embuscades, les courses dans les plaines, les lances, les blessures, les chutes dans les ravins, la sueur, l’épuisement, la mort.

 

Ce récit rappela à Tali Nohkati ses premières chasses avec Yupik, ses expéditions avec les louveteaux, la peur et la faim, parfois si grandes, parfois si violentes. Mais il savait qu’il en était ainsi : une vie pour la vie.

 A eux deux, ils formèrent une bonne équipe. Auprès d’Atsina, Tali Nohkati se sentait protégé et ne manquait de rien. Auprès de Tali Nohkati, Atsina trouvait toute l’affection qui lui avait cruellement manquée.

 

Les saisons s’écoulaient mais aucun homme, aucun troupeau n’apparaissait à l’horizon.

 

Habitué à vivre isolé, Tali Nohkati fit des provisions, amassa du fourrage pour l’hiver. Quelques plumes d’aigles trouvées au hasard de ses pérégrinations attirèrent bien son attention, mais peu à peu, sa curiosité s’émoussa.

 

Les premiers flocons de neige arrivèrent. Dans les vastes plaines, soudain blanchies à l’infini, le silence régnait en maître.

Le feu que maintenait Tali Nohkati dégageait une douce chaleur au sein du refuge. Et quand le temps était clément, il s’en allait, sur le dos du bison, pour chercher du bois mort ou capturer un lièvre.

 

Au terme d’une belle journée, ils virent des traces de pas. Alors que le printemps et l’été avaient rayonné, ils n’avaient pas vu âme qui vive. Et voilà qu’un homme s’aventurait seul, au cœur de l’hiver, dans cette contrée immense. Où allait-il ? Que cherchait-il ?

 

L’animal ne confia pas ses inquiétudes à Tali Nohkati, mais il savait qu’un homme qui marchait ainsi, le faisait pour chercher de quoi nourrir les siens. Il ne tarderait donc pas à les débusquer dans leur refuge.

Atsina ne supportait pas l’idée de perdre son bon compagnon. Quant à celle de finir en quartier, elle le rendait carrément féroce. 

 

Dès lors, il mit tout en œuvre pour semer l’intrus.

Une fois le danger écarté, la vie reprit sont cours. Un matin Atsina dit à Tali Nohkati :

 

- La prochaine nuit sera très froide. Il faudra faire un grand feu et si tu te serres contre moi, tu ne devrais pas trop en pâtir.

 

Puis il ajouta :

 

- Je te laisse l’entretien du foyer. Moi, je vais tenter de brouter un peu d’herbe rase et rentrerai quand je serai rassasié.

 

La journée s’écoula ainsi. Tali Nohkati s’affaira, trouva du petit bois et guetta le retour de l’animal. Soudain, la nuit pris possession de tout. Le bison ne revenait pas. Tali Nohkati, inquiet, l’appela :

 

- Atsina ! Atsina !

 

Mais rien, rien ne vint faire écho à son appel.

L’air glacial cinglait Tali Nohkati le forçant à s’engouffrer dans le refuge. La chaleur bienfaisante des flammes l’apaisa un moment mais ses pensées le ramenèrent vers Atsina. Où était-il ? Que faisait-il ? Pourquoi n’était-il pas déjà de retour ?

 

Ces questions, restées sans réponse, accrurent son angoisse, mais la fatigue eut raison de lui et il sombra dans le sommeil.

 

L’aurore trouva Tali Nohkati, tout engourdi, près des cendres encore chaudes. L’aurore trouva Tali Nohkati, mais pas Atsina.

Atsina, blessé, était loin. L’enfant ne le savait pas encore. Aussi, quand il vit que le bison n’était toujours pas rentré, il partit à sa recherche.

 

Il arpenta la plaine, sans relâche. Enfin, la masse sombre d’Atsina apparut. Tali Nohkati s’élança vers lui et le vit étendu sur le flanc, haletant.

L’animal avait glissé et s’était rompu une patte. Il tenta bien de prendre le chemin du refuge, mais la douleur, la fatigue et le froid eurent raison de lui.

 

Sans attendre, Tali Nohkati essaya de soulager Atsina. Il couvrit son corps endolori, posa ses mains sur la blessure. Cela réconforta le bison au-delà de ses espérances. Pour autant, chacun savait bien que cet accident allait bouleverser leurs vies.

Sentant ses forces décliner, Atsina avoua :

 

-   Le temps passé avec toi avait le goût du bonheur. J’avais si peur de te perdre, de perdre ton amitié, que j’ai tout fait pour que nous ne rencontrions personne. Me pardonneras-tu cela ?

 

-  Bien sûr que oui ! répondit Tali Nohkati en sanglotant.

 

Il va falloir maintenant te remettre en marche et rejoindre tes semblables.


Et disant cela, il confia à l’enfant, tout ce qu’il savait sur les humains.

 

Mais je ne vais pas partir sans toi, je ne vais pas t’abandonner, dit Tali Nohkati.

 

-  Mais qui parle de me laisser, assura le bison dans un dernier sursaut. Tu m’emporteras avec toi. Tu mangeras ma viande et je te donnerai ma force. Tu tanneras mon cuir et j’abriterai tes nuits. Par mon sang je bénirai la terre qui te porte et te voit grandir.

 

Tu me demandes de te tuer et de te manger. Je ne le pourrai pas ! Je ne le pourrai pas ! s’exclama l’enfant.

 

Préfères-tu m’abandonner aux charognards ? Je t’en prie, sois grand, sois fort ! Je t’en prie, laisse-moi encore une fois servir ta vie.

 

Le cœur de Tali Nohkati battait à tout rompre. Il ne pouvait se résoudre à l’impossible. Enfin n’y tenant plus, il poussa un cri terrible et prenant son couteau, il porta le coup fatal à son ami.  Il tua Atsina.

 

Le froid perdura.

Tali Nohkati, anéanti, resta prostré dans son refuge pendant plusieurs jours. Puis il retourna auprès de la dépouille d’Atsina et la dépeça.

 

Le froid perdura et un matin, la neige se mit à fondre. Le bleu du ciel éclaira le jour nouveau. Une douceur oubliée depuis longtemps emplit l’espace et caressa le visage de l’enfant.

Ce fut le signal du départ.

 

Tali Nohkati se remit en marche. Il partit pour rejoindre les hommes, ses semblables. Avec eux, pensa-t-il, je vivrai, je respirerai, je mangerai, je chasserai, je regarderai les étoiles et je ne serai plus jamais seul.

 

La Lune le vit de loin et quand elle rencontra Coyote, elle raconta :

 

- Il était beau et fier. Deux cornes de bison ornaient ses vêtements de peau. Son front était ceint d’une belle lanière. Son pas était sûr et semblait le mener vers une conquête.

 

- Et son cœur ? demanda Coyote. Comment va son cœur ?

 

- Parfois il se brise, répondit la Lune. Mais il bat encore, il bat encore.

 

 

- § -

Illustration Studio Primo


Retrouvez les aventures de Tali Nohkati

 

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