Les objets qu’ils soient utiles ou purement décoratifs, nouveaux ou anciens, relèvent du quotidien de nos vies. C’est pourquoi nous les retrouvons dans les romans et les nouvelles et dans tous les genres littéraires.
Dans le polar, l’objet devient outil du crime, par exemple. Parfois, l’obsession d’un personnage telle Lady Helena dans la nouvelle d’ Isak Dinesen, The Blue Jar. Nouvelle dans laquelle le personnage, accompagné de son père, recherche une céramique bleue dans les fonds marins. Ou encore le symbole d’une vie en perdition dans le roman, Un barrage contre le pacifique de Marguerite Duras. La mère de l’héroïne tente de reconstruire inlassablement un barrage pour contenir l’océan. Une façon obstinée de contrôler sa destinée qui lui échappe.
Dans mes romans ou séries les objets commandent, influent ou changent la vie des personnages.
Nous vivons dans une société saturée d’objets qui en plus se trouvent être de moins en moins de bonne qualité. Si l’objet était sacré à certaines époques, on se souvient tous de la lampe d’Aladin, il le reste dans le psychisme des êtres. Les objets restent des symboles qui traduisent le succès (maison, voiture, bijoux), ou l’héritage et donc la preuve d’une lignée, d’une appartenance, d’une histoire. Je me souviens de mes voisins, un couple du Laos, qui m’avait montré son trésor. Une paire de vases chinois très anciens hérités d’un arrière ou arrière arrière grand-père d’origine chinoise. Uniques objets qu’ils avaient sauvés malgré le dangereux périple en mer qui les avaient conduits jusqu’en Europe.
Dans la fiction, certains objets même peuvent devenir des personnages comme le canapé dans ma série, Brooklyn Paradis. Ce canapé à partir du moment où il est trouvé et adopté par Courtney Burden va prendre une place centrale dans l’histoire. Il devient l’objet de convoitise de nombreux personnages d’horizons différents tandis que Courtney s’y accroche comme si sa vie et survie en dépendait. Car au niveau symbolique, sa survie en dépend.
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Les objets peuvent-ils devenir des personnages ?
La boîte de kleenex dans ma série, Lacan et la boîte de mouchoirs, se voit offerte un rôle sur-mesure par Judith. En effet, la boîte devient l’obsession de mon personnage puisqu’à chaque séance Judith redoute que celle-ci ne soit vide. Et par conséquent, qu’elle n’aura pas la possibilité de s’émouvoir, de s’épancher à la mesure de son chagrin. La boîte de mouchoirs symbolise aussi l’anxiété du personnage et la place de la tristesse dans notre société. Tout semble dire que ce sentiment doit être contenu, sous contrôle, se faire discret. La tristesse est pourtant un sentiment aussi noble que la joie.
Dans mon nouveau roman, Road-movie pour un proscrit, un cercueil est au centre de l’intrigue. Mais pas n’importe lequel puisqu’il possède une valeur et une charge historique. En effet, ce cercueil volé dans un cimetière, est celui de Philippe Pétain. Maréchal et chef du gouvernement français qui a collaboré avec l’Allemagne nazie durant la deuxième guerre mondiale. Ce cercueil revient à la vie en quelques sortes. D’abord grâce à la volonté d’un groupe d’admirateurs de Pétain à travers une aventure rocambolesque des années 70. Ensuite par une voix, la voix des os de celui qu’il contient.
Tous les objets qui s’entassent dans mes romans comme s’ils étaient des greniers m’intriguent. J’ai un rapport aux objets très particulier. Un peu comme les chats qui savent se poser dans le décor toujours de manière élégante, intuitive et équilibrée, j’organise les objets autour de moi de façon à leur donner un supplément d’âme. Ce n’est pas plus intentionnel que les chats qui se glissent habilement dans tout décor. Je n’y réfléchis pas, c’est inné.
Je ne suis pas particulièrement collectionneuse, pourtant, j’aime fouiller, chiner dans les brocantes, les vide-greniers, surtout pour observer les objets qui y sont proposés. Des objets accumulés au cours de vies, de vies dont on ignore tout bien souvent. Cependant, il me semble que les objets parlent pour ceux et celles qui ont disparu. Ils transportent un peu de l’âme des propriétaires d’avant, ils transmettent un peu de leur vie. J’entends, je vois ces vies à travers les objets, d’où ma fascination pour les vieux objets. Ils racontent aussi le talent, l’adresse, le savoir-faire de ceux qui les ont fabriqués.
Avec la mécanisation et la fabrication d’objets en masse dans des pays lointains, les objets de notre époque me semblent plus muets.
Le décor est essentiel dans le roman. Un décor peut-être naturel (paysage), mais il peut être fait par l’homme : jardins, maisons, habitations, villes, certaines forêts (la forêt de pins les landes par exemple) … Le décor donne le ton, l’ambiance, l’atmosphère, mais il participe aussi à la psychologie des personnages. On ne se comporte pas de la même manière dans une ville ou dans un désert. Dans un village ou en rase campagne. Dans un supermarché ou dans un salon de coiffure… aux Puces de Clignancourt ou aux Galeries Lafayette.
Les objets vivent. Dans mes romans, ils ont une trajectoire, une fonction. J’irai même jusqu’à dire, ils ont un rôle à part entière. Ils existent comme les personnages qui les possèdent où les convoitent.
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