Coup de cœur du libraire Benoît Lacoste 
 
Décalé, original et jouissif
 
« Ce ne serait plus la boucherie Lueruchet, mais Les Bouchères, elle ne serait pas juste fonctionnelle mais haute en couleur, et il n’y aurait que des femmes, à la rigueur un petit gars employé pour la caisse. »
 
A la mort de son père – dans des circonstances mystérieuses, Anne hérite de sa boucherie. Elle appelle aussitôt son amie du CAP, Stacey qui travaille à Carrefour pour qu’elle vienne travailler avec elle. Anne et Stacey étaient les deux seules filles lors du CAP Boucherie. Ainsi démarre une drôle d’aventure, celle d’une boucherie atypique et haute en couleur. 
Atypique car les bouchères placent le grand billot au centre de la pièce car « nous voulions avoir le client avec nous, à nos côtés, pour qu’il nous regarde travailler, découper, désosser, qu’il voie vraiment la viande, qu’il puisse choisir les morceaux ». Haute en couleurs car il y avait « des affiches graphiques, décalées, des vitrines d’exposition clinquantes. On aurait pu croire à un vernissage d d’œuvres d’art, c’était l’inauguration d’une boucherie. » Plus tard, il y aurait des fleurs au milieu de la viande.
 
« L’apprentissage de la boucherie pour une femme, c’est comme un viol. Stacey avait cru qu’on exagérait pour les intimider. Ce n’était pas exagéré. »
 
Très vite, la boucherie devint incontournable et noire de monde. « Anne et Stacey, des bouchères sensuelles et carnassières. » furent dépassées et il fallut embaucher. C’est Michèle, une Guinéenne, qui compléta l’équipe. A elles trois, elles forment un trio explosif, aussi complice qu’irrésistible.
Cependant, dans le quartier, la boucherie faisait beaucoup parler… surtout depuis que des hommes disparaissaient. Forcément, il devait y avoir un lien. C’était obligé.
« Ce porc-là ne leur avait pas résisté longtemps »
 
Avec son premier roman, Sophie Demange frappe fort. Elle nous offre un opus inclassable, totalement déjanté et très engagé. Ses personnages féminins sont bien campés et totalement barrés. A l’inverse, les hommes sont un peu (trop ?) caricaturaux. Impossible de ne pas s’attacher à ses femmes hors normes et d’admirer la plume affutée de Sophie Demange. 
Aucun temps mort ! Les pages se tournent, le sourire aux lèvres tant c’est souvent jubilatoire. Point de pathos, juste ce qu’il faut pour que les messages passent, que le lecteur s’interroge et que la cause avance. Sophie Demange bouscule, dérange et amuse, tout en offrant une intrigue intense et fascinante. C’est vivifiant, caustique, féministe et extrêmement efficace. 
 
Les bouchères est un roman inclassable, à la limite des genres. Il traite de la violence faite aux femmes dans une ambiance décalée. C’est réussi, troublant et marquant.
 
A consommer même si vous êtes végétariens ou végans !