Le coup de cœur de Benoît Lacoste
Une nuit au cap de la Chèvre François Cheng Éditions Albin Michel
Douceur et spiritualité, beauté et sagesse.
« Je reste là, seul, me laissant secouer par le grand ébranlement. Les fracas répétés des vagues, entrecoupés des cris stridents de quelques oiseaux de nuit, m’assourdissent. Dans l’épaisse solitude qui m’envahit, d’où peut m’arriver un signe de sympathie, un geste de secours ? Contre toute logique, je ne me sens pas en sécurité, l’imagination s’emballe : je me vois tel un pitoyable crapaud balloté qui ne manquera pas d’être vite déchiqueté par les monstres déchainés. »
Seul dans une demeure finistérienne, prêtée par une de ses lectrices, « vers minuit, les échos sonores des vagues frappant la paroi rocheuse » arrachent François Cheng de son sommeil. Face à l’océan qui représente la vie, dans une nuit de pleine lune, le cosmos, il entame dans un récit introspectif une réflexion intime sur la beauté du monde et notre place en son sein.
Dans une première partie, il disserte sur l’univers, la vie, la mort et la peur qu’elle suscite alors même qu’elle « confère, en fin de compte, une valeur inaliénable à chaque vie. ». « Elle rend tout unique dans notre existence, unique chaque minute de notre temps, unique chaque acte de notre entreprise, unique notre expérience. » La mort est le moteur le plus dynamique de ce que nous faisons argue-t-il encore.
« A quinze ans, s’éveilla en moi la révélation de la poésie. Surgis d’une source inconnue, des mots alignés, chantants, signifiants, illuminants, telles les coulées d’une lave, traversaient le souterrain de mon être. »
Il revient davantage sur sa vie et son parcours dans la deuxième partie. Confronté à la violence du monde, il découvre la poésie… qui sera une compagne fidèle tout au long de son existence. La poésie est comme une vocation pour lui. Elle est principalement orphique. Ainsi, elle nous permet de rester en contact avec nos proches décédés, de s’en souvenir et de les honorer. Le Divin et le Tao se rejoignent.
« Longues douleurs bues et longues plaintes tues :
Le couchant dans l’abîme peu à peu sombre.
Alors que l’âme se purifie à la flamme,
Descend puis s’envole la fidèle colombe. »
Qu’il est facile de s’immerger totalement dans une nuit au cap de la Chèvre. 73 pages d’une beauté indicible, d’une émotion forte, de spiritualité, de sagesse poétique et de bonheur littéraire. C’est fin et étayé. Difficile de quitter ce cocon de douceur et d’amour des mots.
Je suis et je demeure un inconditionnel de François Cheng depuis De l’âme.
top of page
13,80$Prix
bottom of page